Elden Ring

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Un sage a dit un jour, « Elden Ring, ce n’est pas Dark Souls 4, c’est Dark Souls 4, 5, et 6. » J’ajouterais même : voire Dark Souls 7. Si l’on devait synthétiser Elden Ring dans sa plus simple représentation, ce serait exactement par cette analogie : il s’agit de la suite spirituelle de Dark Souls mais en beaucoup plus grand, généreux, ambitieux, vaste, et tout un tas de superlatifs appropriés.

Déjà, Elden Ring est techniquement très proche de Dark Souls 3. De nombreux assets graphiques et sonores ont d’ailleurs été réutilisés. Le moteur également, au grand dam de la bonne utilisation des ressources machines. En effet, le minimum requis pour la version PC nécessite déjà une bonne configuration, avec par exemple 12GO de RAM – habituellement on est plutôt à 8GO minimum sur les gros jeux comme Forza Horizon 5. Bref, on sent que si optimisation il y a eu, elle a un peu touché les bords du moteur de Dark Souls 3, pas forcément prévu pour gérer un monde aussi grand et détaillé que celui d’Elden Ring.

Ce monde, l’Entre-terre, c’est vraiment quelque chose. Une œuvre d’art à part entière si j’osais me laisser emporter. C’est en tout cas le plus abouti des mondes ouverts que j’ai eu la chance d’arpenter dans un jeu vidéo. L’environnement est aussi gigantesque que minutieusement agencé, aussi étendu que profond à explorer. L’univers d’Elden Ring se découvre autant d’un point de vue macro (les différentes régions et leur histoire) que micro (les détails, les personnages, l’architecture, les innombrables zones plus ou moins cachées) et sait se montrer vertigineux aussi bien horizontalement que verticalement. Souvent on parle de km² pour désigner l’étendue d’un monde ouvert, on pourrait parler ici de km³ !

La carte d’Elden Ring. Utile, indispensable, magnifique ! Elle réserve bien des surprises et mériterait à elle seule un article dédié tant son design (visuel et ludique) est réussi.

Le premier objectif d’Elden Ring, soit la récupération de la rune majeure de Godrick le Déchu, vous fera explorer le château de Voilorage. Level design organique, fascinant, regorgeant de passages secrets mais aussi de passages moins secrets tout autant vertigineux (la découverte des lieux depuis les toits des bâtiments, complètement dingue). Ce premier « donjon » à l’ancienne, à la Dark Souls, est une claque. Du sommet de la plus haute et magnifique tour aux égouts sales et puants du château, l’exploration prend vraiment aux tripes à chaque instant.

Le château de Voilorage est également un lieu très difficile. Les ennemis sont costauds, font mal, et les points de repos se font rares. À bas niveau, ce qui est dans l’ordre des choses puisque le jeu nous guide vers là dès le début, survivre dans Voilorage est loin d’être évident. Très personnellement, c’est peut-être même l’endroit que j’ai trouvé le plus difficile du jeu. Mais voilà, Elden Ring est un jeu à monde ouvert, et il suffit d’aller voir ailleurs un temps, d’explorer d’autres contrées, des ruines, des grottes, voire d’autres châteaux plus accessibles. Contrairement aux précédents jeux de FromSoftware où l’on se retrouvait rapidement face à un passage obligatoire et difficile (les gargouilles de Dark Souls, Gascoigne dans Bloodborne ou même Ludex Gundyr dans Dark Souls 3, où beaucoup de joueurs ont abandonné dès les premières heures de jeu), Elden Ring permet aisément de fuir la difficulté pour souffler ailleurs. Découvrir d’autres endroits, un équipement plus adapté, de quoi forger son arme (point extrêmement important en cas de galère : améliorez vos armes !), monter de niveau spontanément, sans tuer en boucle des ennemis au même endroit durant des heures.

De l’ombre à la lumière, la direction artistique et la folie des grandeurs sont bluffantes.

La montée en puissance se fait naturellement, au même titre que la découverte et la compréhension du monde d’Elden Ring et des règles de game design qu’il couve toujours de manière très cryptique. L’habitué des Souls n’aura aucun mal à trouver ses marques, mais le nouveau venu devra toutefois passer par une longue phase d’apprentissage. Les pièges, les traitres, les objets aux effets mystérieux, les statistiques incompréhensibles, il faudra tout comprendre par soi-même, quitte à se tromper, à perdre, à recommencer. Ici rien de grave dans l’échec, cela fait partie des règles du jeu. Puisqu’on en parle, évitez de consulter les wiki sur une première partie, pour une immersion totale. Moins l’on en sait, plus on est surpris par ce monde fascinant.

Par ailleurs, petite nouveauté dans Elden Ring : les téléporteurs. On ne sait pas où ils mènent, la plupart du temps il est impossible de revenir à son point de départ, et ils nous téléportent régulièrement à l’autre bout du monde. Une idée à la fois simple et absolument géniale, qui stimule encore davantage une envie d’exploration pourtant déjà à son paroxysme. La construction du monde nous emmène toujours à nous détourner d’un chemin logique, pour trouver une zone cachée gigantesque, qui renferme elle-même plusieurs passages à fouiller, pour – et ça arrive plus souvent que l’on ne croit – atterrir dans d’autres endroits tout aussi gigantesques. On ne cesse de s’éloigner du parcours initialement prévu, découvrant inlassablement la prochaine zone attenante, telle une série inépuisable de poupées russes. La construction du monde d’Elden Ring est un pur chef d’œuvre.

La narration reste aussi dans cet esprit. Elle l’était déjà dans les précédents Soulsborne et le principe reste le même, à plus grande échelle du coup. Il faut reconstituer le puzzle narratif au travers des descriptions des objets, des dialogues avec les PNJ, ainsi que des milliers de détails qui parsèment l’environnement. Un symbole végétal sur ce mur, des vêtement particuliers sur ce cadavre, tel ennemi qui lance une magie singulière, tout est narration dans Elden Ring. Pour ma part, je n’ai pas encore recollé tous les morceaux, tant le puzzle est immense, mais de ce que j’ai vu la cohérence semble de mise. Surtout, l’Histoire, le passé de l’Entre-terre est passionnant. Comme les Souls, on est finalement autant archéologue qu’explorateur. Les familles et les clans dévoilent peu à peu leurs antécédents et leurs motivations. Il existe un tas d’interactions entre les personnages, des alliances, des trahisons, des noces, des meurtres. On aperçoit régulièrement la marque de George R. R. Martin, auteur de la célèbre saga Le trône de fer. Certes, encore faut-il apprécier le style du bonhomme ! En ce qui me concerne, je trouve cet aspect du jeu particulièrement réussi. J’aime me plonger dans le lore, tisser les liens entre évènements et personnages, continuer à essayer de comprendre le monde fascinant d’Elden Ring, même une fois le jeu terminé.

Les personnages sont souvent surprenants, toujours intrigants. Les quêtes paraissent généralement claires, davantage que celles des Soulsborne, mais il faudra prendre quelques notes pour tout suivre !

Le portrait semble idyllique, pourtant je garde quelques réserves quant à certains aspects du jeu. Déjà, certaines zones se montrent assez redondantes. Lorsque l’on a exploré des dizaines de ruines, de caves ou de catacombes, ces zones bourratives prennent l’aspect de « remplissage » un peu facile. Certains détails changent – c’est parfois très réussi, comme ces catacombes où l’on pense revenir sur ses pas et tourner en rond alors que pas du tout ! – mais globalement c’est un peu toujours la même chose. Heureusement, tout le reste du jeu se renouvelle sans cesse et ces zones annexes ne sont pas vraiment dérangeantes. Mais à mon sens, elles restent trop nombreuses et n’apportent pas grand chose la plupart du temps.

Idem pour les ressources à ramasser. Je n’ai pas vraiment été convaincu par le système de fabrication d’objets. Il est quelques fois utile, comme pour créer des flèches (ou autres consommables) en cas de manque au fond d’un donjon, mais ça incite continuellement à ramasser un tas de ressources sur son chemin. Des fleurs, des pierres, des os sur les animaux inoffensifs que l’on ne manquera pas d’attaquer à tout bout de champ. Aucune animation de ramassage (ouf !) et finalement ça prend peu de temps de glaner quelques ressources, mais leur simple existence détourne artificiellement l’attention. On aurait pu s’en passer.

Elden Ring est peut-être un jeu trop grand. Trop bon pour être joué intensément durant des dizaines et des centaines d’heures ? Un marathon de l’excellence, mais une course tout de même éreintante ? Quoi qu’il en soit, le jeu passionne. Depuis sa sortie, on ne parle que de lui. Les statistiques des succès Steam me surprennent chaque jour. 80% des joueurs ont eu le premier succès, obtenu après la défaite du premier boss assez compliqué. Quasiment 70% ont tué Godrick le Déchu, le premier boss majeur du jeu. 50% ont vaincu l’un des boss les plus durs du jeu (à mon sens), mais on ne spoilera pas qui ici ! Bref, je trouve ça impressionnant, surtout pour Godrick, car les premières dizaines d’heures sont éprouvantes, notamment pour les nouveaux joueurs.

De ce que je constate, ces nouveaux joueurs – comprenez, celles et ceux qui n’ont jamais touché un Souls – s’adaptent au jeu, au genre en fait. Et plus que ça, ils apprécient l’expérience puisqu’ils continuent ! La difficulté, ou l’inaccessibilité de manière plus générale, qui les rebutait jusque là pour la majorité des cas, est mise de côté. Ils découvrent que cet obstacle n’est pas insurmontable et que ce genre de jeu offre autre chose qu’un challenge corsé. Le sentiment d’exploration unique, la narration environnementale, la direction artistique à tomber, voilà des qualités qui peuvent plaire à n’importe quel joueur.

Elden Ring ? Dark Souls ? Les nouveaux joueurs conquis auront désormais le loisir de découvrir les anciens chefs d’œuvre de FromSoftware.

Est ce qu’Elden Ring est plus accessible que les précédents jeux ? Oui sans doute. Attention toutefois, le jeu reste âpre mais le joueur est mieux préparé, davantage aidé aussi, par les invocations de fantômes alliés plutôt balèzes par exemple, ou les attaques sautés qui permettent souvent de se dégager d’un mauvais pas. Bloqué face à un ennemi impossible, il peut alors explorer d’autres contrées et revenir avec un avatar plus fort, mais aussi plus expérimenté lui-même en tant joueur. La formule challenge / exploration marche ici bien mieux que pour les précédents jeux de FromSoftware. Et si cette formule – magique – ne fonctionnera évidemment pas sur tout le monde, je suis ravi de voir des réfractaires des Souls prendre vraiment du plaisir sur Elden Ring. Un véritable aboutissement.

Voilà que j’arrive à la fin de ma chronique et je n’ai abordé que très peu de points du gameplay. Le cheval souple et maniable, la caméra toujours capricieuse, l’incroyable variété des armes et des équipements, ou la possibilité de sauter qui ouvre tout un tas de possibilités, voilà bon nombre de sujets intéressants mais traités mille fois dans d’autres articles. Je m’en suis donc tenu à ce qui me passionne dans ce genre de jeux : l’exploration et la narration. Et Elden Ring m’a vraiment comblé sur ces points, comme il m’a convaincu par sa direction artistique magnifique et son ambiance unique, parfaitement hypnotisante du début à la fin.

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