The Morning Show

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Aujourd’hui nous allons parler d’une série télévisée, The Morning Show, diffusée et disponible depuis 2019 sur Apple TV+, que j’ai découverte récemment, et appréciée comme rarement. Pour le moment, une seule saison est disponible, la seconde a été toutefois annoncée, mais largement retardée à cause de la crise sanitaire.

The Morning Show traite du sujet du harcèlement sexuel, faisant écho au phénomène #metoo, par ailleurs régulièrement évoqué dans le récit. En effet, Mitch Kessler (joué par Steve Carrell), célèbre présentateur télé, se voit accusé d’abus sexuels dans un article du New York Times, et viré aussitôt par sa chaine. Il présentait donc The Morning Show, une émission matinale de news à forte audience (un équivalent fictif de Good Morning America), aux côté de sa coprésentatrice Alex Levy (Jennifer Aniston).

La série commence comme ça, laissant Alex et toute l’équipe du Morning Show sur le choc de la nouvelle. Comment ingurgiter l’importance d’une telle nouvelle ? Comment gérer le public, tout le côté damage control ? Il faut aussi trouver le prochain binôme d’Alex, en l’occurrence qui sera une journaliste « anonyme » dans le milieu, nommée Bradley Jackson (Reese Witherspoon). Oups, mini spoiler, mais rassurez-vous, ça arrive très vite dans l’histoire. Je vous laisse découvrir en revanche comment elle se retrouve au milieu de tout ça, au milieu de ce panier de crabes.

Tout le monde est à cran, Bradley découvre au fil du temps l’égo surdimensionné des uns et des autres, et les nombreux rouages malsains qui font tourner cette émission « tout sourire » et ultra fake au final. Le tout donc, sur cette histoire d’abus sexuels. En réalité, on voit assez peu le concerné, Mitch, mais ses actes ont des répercussions inimaginables à tous les niveaux du Morning Show, et auprès de tous les membres de l’équipe.

On ne va rien spoiler, mais derrière ce pitch – pas très sexy à première vue, avouons le -, se cache une série d’une justesse inouïe. Les personnages, derrière leurs métiers et leurs situations personnelles assez communes au final (en tout cas qui s’inscrivent dans un imaginaire collectif que l’on peut comprendre), révèlent néanmoins une quantité extraordinaire de nuances. C’est même complètement dingue à ce niveau. Les personnages sont creusés avec une objectivité maladive. La série dure 10h environ, et l’on suit le quotidien d’une poignée de personnages (les présentateurs et quelques membres de l’équipe technique) sur trois semaines d’émission, de quoi disséquer émotionnellement chacun d’entre eux. Il faut dire que The Morning Show est une série extrêmement bien écrite, des dialogues aux rebondissements – et ils sont nombreux, le récit est vraiment prenant !

De plus, les acteurs portent parfaitement leur personnage. J’avais un peu d’appréhension concernant Jennifer Aniston, vraiment associée dans mon esprit à Rachel dans Friends. Il n’en est rien. Dans The Morning Show, elle est Alex Levy, sans aucune demi mesure. Idem pour Steve Carell, que j’adore dans ses habituels rôles comiques ou loufoques. Dans cette série, pour le coup, il n’est pas du tout drôle ! Il joue à la perfection son rôle : Mitch Kessler est malin, sûr de lui, et surtout, ne comprends absolument rien à ce qui lui arrive. C’est d’ailleurs un peu la constante du récit, tout le monde est un peu paumé et tente de se raccrocher aux branches dans cet espèce de miasme incontrôlable qui touche l’émission et tout ceux qui gravitent autour. On essaie de garder une façade, mais tout fout le camp. Tout fout vraiment le camp. Les pétages de plomb sont nombreux, dans des scènes parfois déroutantes (le clash entre Alex et sa fille, wow !), toujours portées par ce sens exceptionnel du dialogue.

Petite surprise au passage, on retrouve à la réalisation d’une partie des épisodes (4 sur les 10), l’excellente Mimi Leder, menant déjà d’une main de fer les plateaux de tournage de The Leftovers – on retrouve également Michael Grady, directeur photo, et John Paino, chef décorateur, officiant également sur The Leftovers, la bonne équipe ! Mimi Leder signe à mon sens avec The Morning Show les meilleurs épisodes, avec toujours cette sensibilité et cette manière de filmer les personnages en détresse, dans des plans très serrés, avec pour seul écho un silence parfois étourdissant. « Les moments silencieux et les silences laissés entre les mots, c’est quelque chose que je recherche, que je chéris, et j’essaie de trouver visuellement une manière pour raconter ces moments » raconte la réalisatrice à Ben Travers sur le site IndieWire. Elle y analyse par ailleurs le dernier épisode de la saison (attention si vous suivez le lien, ça spoile tout), pour lequel elle a été nominée aux Emmy. De manière plus générale, Mimi Leder officie également en tant qu’executive producer (producteur délégué en français) sur The Morning Show. Au delà de la « simple » réalisation de certains épisodes, elle participe ainsi globalement à l’aspect créatif de la série. Nul doute que sa fibre artistique et ses idées engagées ont beaucoup apporté à la série, comme elle l’avait fait – aux mêmes postes clés – avec The Leftovers !

Mimi Leder et Jennifer Aniston

De fait, je ne peux que vous conseiller de regarder The Morning Show. Il n’y a quasiment aucun fausse note, aucune séquence inutile ou en demi teinte. Vu le sujet traité, loin d’être évident, l’histoire pouvait être casse gueule, les personnages peu crédibles ou trop orientés dans un sens ou l’autre. Il n’en est rien, les nuances sont là où le manichéisme grossier aurait pu tout défoncer sur son passage. Si les intentions se montrent parfaitement limpides, l’objectivité demeure. Nous avons affaire à des humains, dans leur gloire, leur déchéance, leur égo, leurs craintes et leurs réussites. Je le répète, et pour terminer là-dessus, la justesse de l’écriture fait mouche à tous les niveaux. Brillant !


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