Eternal Sonata

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Adapter la vie, ou une partie de la vie, de Frédéric Chopin en jeu vidéo était un pari osé. Si en plus c’est un studio japonais qui s’y colle, ça peut être aussi génial que casse gueule. Heureusement, c’est Tri-Crescendo qui est aux commandes. Après nous avoir pondu les deux excellents épisodes de la série Baten Kaitos, on ne pouvait qu’avoir confiance en eux ! En tout cas c’était risqué mais ils l’ont fait.

Le début du jeu est longuet mais très agréable.

Enchantement visuel et sonore

Eternal Sonata est beau. C’est un fait, les graphismes et la direction artistique sont somptueux. Chaque décor, chaque environnement est un véritable enchantement. Techniquement ce n’est pas fou, mais il y a pourtant une très forte intensité qui se dégage des lieux visités. De plus, beaucoup d’éléments visuels ramènent directement au monde de la musique que prône le jeu. Un panneau en forme de violon par ci, des notes de musique ornant une boite aux lettres par là, tout est présent pour véritablement nous transporter dans un monde nouveau et féérique. J’étais sous le charme de ce festival de couleurs tout au long du jeu, et c’est bien ça qui m’a fait tenir jusqu’à la fin car le reste n’est pas vraiment du même niveau, mais nous y reviendrons.

Un exemple de décor qui défonce.

Autre point vraiment appréciable : les musiques. C’est Motoi Sakuraba qui s’y est collé, ancien collègue et grand ami du boss de Tri-Crescendo. Il nous livre ici une bande originale vraiment sympathique et surtout un main theme à tomber. La musique contribue aussi énormément à l’ambiance très réussie du titre. Chopin oblige, on a aussi droit à des interludes entre certains chapitres où une musique du célèbre pianiste est diffusée, sur fond d’images fixes au teint d’aquarelle. Durant ces séquences on ne peut plus calmes et reposantes, des morceaux de la vie de Chopin sont racontés. Ils sont en général en rapport avec ce qu’il se passe dans le jeu et ce petit côté culturel est fort agréable. Bon ça reste super light, entendons nous bien, mais ça à le mérite d’être là.

Chopin. Le voici sous des traits « manga ». Surprenant non ?

Si le côté musical est une totale réussite, on ne peut pas en dire autant sur toute la partie sonore du titre. En effet, les bruitages ainsi que les voix sont insupportables. Je ne sais pas pourquoi. Personne n’a du les écouter avant de sortir le jeu. Ils ont dû les ajouter deux jours avant la sortie définitive. Je ne sais pas, mais c’est horrible. Durant les combats, chaque coup fait un bruit horrible, et ça se compte en dizaines à chaque affrontement. Dans les menus, chaque action fait un bruit horrible. Lors des cut-scenes, on se tape à chaque fois vingt bonnes minutes de dialogues avec des voix sorties de l’Enfer. Je ne sais pas pourquoi ils ont fait ça. On ne peut pas avoir des thèmes musicaux d’une telle qualité, un jeu basé sur Chopin et accepter une telle immondice de bruitages et de voix nasillardes ou soporifiques (c’est au choix, des fois c’est les deux). Bref, carton rouge et ce n’est pas le seul malheureusement.

Le menu, exemple probant de la bouillie sonore des bruitages…

 

Classique mais bâclé

En terme de gameplay, je suis également assez mitigé. Le système de combat est plutôt sympa. Il se déroule plus ou moins en temps réel. Chaque combattant joue au tour par tour mais se déplace et tape les monstres en direct, un peu à la manière d’un Action RPG. On peut également parer les coups, balancer des magies de lumière ou d’ombre selon si on est au soleil ou à l’ombre. Le concept est sympa, pas de doute là-dessus. De plus, il y a un tas de personnages à jouer et on alterne souvent en début de partie. La limite sur ce point est qu’une fois qu’on les a tous récupérés, ceux qui reste sur le banc n’évoluent pas. Seuls les trois combattants principaux gagnent de l’expérience. Vous l’aurez compris, au bout de quelques heures on en vient à utiliser toujours les mêmes tronches car les autres deviennent trop faibles. Certains combats sont franchement pas évidents (j’ai fait le jeu sur PS3, plus difficile que sur la xbox 360 pour laquelle nombre de gens avait crié au scandale pour sa facilité) et les niveaux supérieurs quand même bien longs à obtenir. Le système d’évolution est très basique : un équipement classique et des sorts que l’on apprend en faisant du level up. Rien d’extraordinaire mais le gameplay reste dans l’ensemble bien sympathique. Malgré ça, il est associé à un game design proche de la catastrophe. Ce gameplay plutôt bon va plus tard se transformer en calvaire… Dommage.

Un combat parmi tant d’autres.

Voila, on y est : le game design. C’est violent, ça fait mal. Je ne pensais pas qu’après deux épisodes Baten Kaitos très réussis, on pouvait accoucher d’une conception aussi peu aboutie. Le jeu démarre bien, on découvre, les donjons et les routes entre deux villages ne sont pas trop compliqués. C’est agréable à jouer, on se fait aux systèmes de jeu classiques mais efficaces. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Plusieurs heures plus tard, on commence à rentrer dans des donjons qui, premièrement, n’ont aucun rapport avec l’histoire, et deuxièmement, disposent d’un level design et d’un esprit complètement abrutissants. Des allers-retours en masse, des mécanismes débiles, des boss qui n’ont aucun sens, une ou deux variétés d’ennemis que l’on affronte sans cesse (en plus ils sont blindés de HP sur la fin), ou encore des cut-scenes de vingt minutes (oui, toujours et c’est un minimum) pour te dire que l’amitié c’est cool. Ah oui, deux mots sur les réflexions des personnages dans le jeu : biens mais pas top. Bon ça fait quatre mots mais juste pour dire qu’à la base, les pensées de chacun sont intéressantes et assez philosophique parfois. Ce sont de vraies questions existentielles mais elles sont vraiment traitées en surface. Hop, un bonhomme aborde une réflexion intéressante, il en parle dix secondes et on passe à autre chose, genre un autre membre de l’équipe dit une connerie et tout le monde rigole : fin de la réflexion. C’est con car les sujets sont plutôt chouettes dans l’ensemble. C’est quand même un jeu basé sur la mort (celle de Chopin, l’histoire se déroulant sur ses dernières heures et dans le monde qu’il rêve) et si elle est abordée plusieurs fois, ça reste soit bateau, soit vite ramené à un moment de franche rigolade. Bon faut pas non plus rentrer dans un jeu trop déprimant, mais vu le sujet on pouvait s’attendre à un peu plus de profondeur. Fin de la parenthèse, j’en étais à cracher sur le game design. Pour résumer, il est merdique. La conception foireuse du jeu et de ses mécanismes plombent totalement cette bonne production qu’aurait pu être Eternal Sonata. J’ai été très déçu, mais j’ai quand même voulu terminer l’histoire. J’ai bien fait car la fin est juste magnifique. L’association images / musiques est parfaite, j’ai vraiment été touché. Donc si vous attaquez ce jeu et que vous le trouvez moisi, faites un effort et allez jusqu’à la fin, ça vaut le coup.

Un décor magnifique. L’ambiance qui s’en dégage est folle !

 

Explications, point de vue 

Attention, la suite de cet article contient des spoilers sur : Eternal Sonata.

Pour les curieux, je vais mettre ici les explications du jeu auxquelles j’ai pensé. Ce ne sont surement pas les bonnes car la fin ne correspond pas vraiment, mais elles me plaisent. Attention SPOILER :

Ce que vous allez lire est ma vision des choses, ça ne colle pas vraiment à la fin et au lot de délires qu’elle amène avec elle. Cette vision est beaucoup plus simpliste. Il n’y a pas de cycle infini ni de miroir sorti d’un quelconque derrière, juste un amour fou pour la musique et une volonté de création hors du commun. Le monde du rêve de Frédéric Chopin que l’on découvre à peine (il semble bien plus grand que ce qui nous est présenté) est en fait le fruit de sa musique. Cet univers est mis au monde par ces compositions, par l’esprit créatif du génie. Il n’est pas réellement palpable, c’est la musique qui lui donne vie. Vous aurez remarqué que tout est relié à un environnement musical, des décors aux noms extravagants des personnages et  des objets, notamment l’équipement.Chaque chapitre du jeu est étroitement lié à un moment de la vie de Chopin, comme on peut le constater dans les différents interludes entre les chapitres. L’amour qu’il porte à George Sand et sa sœur Emilia, ou la révolution en Pologne et toutes les intrigues qu’elle apporte, on retrouve plus ou moins tout cela dans le jeu. C’est certes bien plus romancé, avec un ton léger et un petit côté aventure rafraichissant, mais ne reconnaît-on pas là l’esprit des compositions de Chopin ?Dans la réalité, Chopin est en train de mourir mais il dort paisiblement. Il est dans son monde, celui qu’il a créé par sa musique. Il ne lui reste que ça et il va y vivre la dernière aventure de sa vie. La grande question qui revient assez souvent tout au long de l’aventure est : ce monde est-il seulement un rêve ? Les gens qui y habitent ont l’air si réels, ils ont un passé, des relations, des passions et ils songent à l’avenir. Ce sont des êtres complets. Le pouvoir de la musique est si puissant qu’il a donné la vie. Une vie imaginaire, métaphysique si on peut dire mais qui existe au-delà de quelques notes gribouillées sur un papier.  D’ailleurs, je pense que Polka est le fruit de son amour pour sa sœur Emilia (c’est dit à la fin) et on note à plusieurs reprises à quel point ce personnage est important et puissant dans le monde d’Eternal Sonata. La mort est liée à Polka et dès le début on sait qu’elle va se sacrifier et mourir. Son destin est en accord avec la fin de la vie de Chopin vu qu’ils meurent en même temps à la fin : Polka dans le monde imaginaire et Chopin dans le monde réel. Mais qu’adviendra-t-il du rêve si Chopin meurt ? Cette question aussi revient souvent, et c’est pour ça que Polka est destinée à mourir en même temps que Chopin. Petit temps d’hésitation à la fin du jeu… Mais le monde imaginaire perdure finalement même après le dernier souffle de Chopin. Celui-ci se réveille dans son rêve et retrouve ses amis, puis Polka.

Evidemment, la musique de Chopin est tellement célèbre, tellement jouée, fredonnée, sifflotée, imaginée et aimée que ce monde sera tout simplement éternel. Il n’existe pas en tant que tel mais il est là, animé par les compositions extraordinaires de Frédéric Chopin. D’ailleurs à la fin, au moment où  il joue au piano depuis le monde des rêves, accompagné d’Emilia au chant dans le monde réel, est juste extraordinaire et représente parfaitement ce que je veux dire. Le lien entre ces deux mondes est musical, presque magique. Chopin continue de nous parler, de nous raconter son existence et de partager ses émotions depuis son monde et à travers sa musique. Eternal Sonata (le titre porte bien son nom) est simplement un immense hommage à Chopin, c’en est presque émouvant.

La ville du début, superbe.
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4 réponses à “Eternal Sonata”

  1. Bonne analyse du jeu. J’ajouterais que les voix des gardiennes d’Agogo forest sont trop niaises, ça donne envie de les taper.

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